Souvent, le maitre d’ouvrage doit entrer en litige avec le maitre d’œuvre, des artisans ou la compagnie d’assurance pour la protection de ses intérêts liés à un projet de construction ou de rénovation. Il s’agit généralement de problèmes en rapport avec la sécurité d’usage, la fiabilité, la viabilité et la solidité de l’ouvrage en général ou des principaux éléments d’équipement du bien immobilier. Pour aider à régler le litige, il peut être nécessaire de faire réaliser une expertise en bâtiment par un professionnel spécialisé. Cet article présente les grandes étapes pour effectuer une telle expertise.
Les différentes étapes d’une expertise en bâtiment détaillée
La prise de contact et la définition de la mission de l'expert
En général, il faut solliciter l'expertise d'un cabinet technique pour le constat des malfaçons, désordres ou fissures notables après la réception du chantier de construction ou de rénovation. L'expert en bâtiment identifie précisément les problèmes et leurs causes respectives. Son diagnostic permet aussi de situer les responsabilités de chaque partie concernée. Vous pouvez contacter ce spécialiste pour rassembler les preuves techniques nécessaires pour la demande d'une indemnisation après un sinistre (surtout pour les bâtiments professionnels). L'achat d'un bien immobilier peut aussi constituer un motif de sollicitation de services de ce professionnel. Il produira un avis technique fiable sur l'état actuel de la maison, de l'appartement ou du local professionnel pour vous éviter de mauvaises surprises après le règlement de la transaction.
Il est crucial de choisir un cabinet d'expertise en bâtiment indépendant expérimenté et sérieux pour les missions à effectuer. N'hésitez pas à demander des preuves des références, diplômes, certifications et labels liés à l'activité du prestataire. Grâce aux retours d'expérience d'autres clients, vous pouvez aussi vérifier la notoriété du professionnel et les appréciations sur la qualité de son travail. Vous devez aussi évaluer si la spécialisation de l'expert du bâtiment est en adéquation avec vos besoins d'audit sur le terrain (expertise structure, expertise isolation, expertise immobilière, expertise réception travaux, etc.).
Après avoir contacté le spécialiste, le client lui confie une lettre de mission qui précise toutes les tâches de diagnostic ou d'évaluation immobilière qui lui sont assignées. Sans ce mandat produit en bonne et due forme, les actes posés par l'expert n'auront pas de valeur légale. Parfois, l'ordre de mission est donné par un juge pour le règlement d'un litige lié à une construction. Le spécialiste agit alors en tant que représentant de la justice. Toutes les parties concernées doivent être informées de l'audit à mener pour protéger leurs droits et intérêts selon les dispositions légales en vigueur.
La visite sur site de l'expert en bâtiment
Cette visite est l'occasion pour l'expert du bâtiment de faire une inspection visuelle détaillée de l'ouvrage. Il peut se faire une première idée des causes potentielles des malfaçons ou désordres. Le spécialiste est généralement sollicité pour examiner les dommages causés par des catastrophes naturelles, infiltrations d'eau, dégâts des eaux, fissures ou de l'humidité. Les dommages couverts par la garantie décennale sont concernés. Généralement, il utilise uniquement ici un appareil photo pour avoir des images claires des anomalies. Le professionnel effectue aussi un examen approfondi de la structure du bâtiment.
Les informations recueillies lors de cette première visite permettent à l'expert du bâtiment de mieux planifier sa démarche d'intervention. Au vu du constat préliminaire, il saura dans quel sens poursuivre son investigation lors d'une éventuelle deuxième visite. Il pourra se préparer en conséquence en amenant tous les outils nécessaires pour le diagnostic de l'ouvrage. Le professionnel doit par ailleurs bien se renseigner sur le projet de construction pour identifier les personnes à interroger, éventuellement pour avoir le maximum d'informations pertinentes.
De quels documents techniques et juridiques a-t-il besoin ?
Pour avoir une base d'évaluation fiable, l'expert en bâtiment doit avoir accès aux DTU du chantier. Les documents techniques unifiés comportent généralement les règles de calcul des dimensionnements de l'ouvrage et le cahier des clauses techniques qui encadre le choix et les modalités d'installation des matériaux et équipements. Les DTU intègrent aussi le cahier des clauses spéciales qui spécifie les règles d'organisation du travail entre les corps de métier. Le document technique unifié peut concerner les matières suivantes :
- exécution des travaux en béton,
- construction de charpente en bois,
- construction de maisons et bâtiments à ossature en bois,
- construction d'ossatures en acier pour maisons et bâtiments résidentiels,
- travaux de cuvelage,
- travaux de fondations profondes pour le bâtiment,
- ouvrages en maçonnerie de petits éléments (Parois et murs),
- mise en œuvre des fenêtres et portes extérieures,
- travaux d'évacuation des eaux pluviales,
- travaux de vitrerie-miroiterie.
De la fumisterie à l'isolation thermique en passant par l'assainissement, le chauffage ou l'installation électrique, chaque corps de métier est concerné par l'élaboration de ces documents. Pour son investigation, l'expert en bâtiment peut demander à avoir le plan de situation du terrain, le plan de masse de la construction prévue, la note descriptive du terrain et du projet ou encore un plan des diverses façades et de la toiture du bien immobilier. Le plan de coupe peut aussi servir à repérer les meilleures zones pour l'inspection du spécialiste.
Parmi les documents juridiques exigibles par le cabinet d'expertise en bâtiment, on peut noter les procès-verbaux réalisés par le maitre d'œuvre, les rapports d'activité sur le terrain ou encore le contrat du projet. Il existe par exemple les conventions VIR (Vente d'immeuble à rénover), VEFA (Vente en état futur d'achèvement), CMI (Construction de maison individuelle) et les contrats de promotion immobilière. Parfois, les devis et factures liées au projet de construction sont des preuves à analyser.
La réalisation de mesures et d'essais techniques
Si les étapes précédentes n'ont pas encore permis de préciser les causes des anomalies et de situer les responsabilités, il faut effectuer des tests scientifiques pour obtenir des données d'analyse fiables. Voici quelques opérations que l'expert en bâtiment peut réaliser entre autres pour son étude technique :
- prise de mesures dans les pièces concernées grâce au télémètre laser ou à un mètre ruban,
- sondage au pachomètre pour connaitre l'emplacement, le diamètre et la profondeur d'enrobage des armatures dans le béton,
- contrôle par géoradar GSSI pour étudier la composition du béton et l'état du ferraillage utilisé notamment au sous-sol,
- prélèvement du béton par carottage pour une analyse par des spécialistes,
- test de la résistance du béton grâce au scléromètre.
L'expert en bâtiment peut prélever une petite partie de tout matériau concerné (fer, béton, solution d'isolation, revêtement de surface, bois, etc.) pour des essais en laboratoire. Pour chaque type de matériau, les spécialistes maitrisent l'ensemble des tests à effectuer pour examiner les caractéristiques physicochimiques de l'échantillon. Par exemple, il est possible de soumettre le béton prélevé à des essais à la traction et à la compression pour vérifier sa résistance. On peut aussi chercher à savoir si le matériau est carbonaté ou pas.
Les données récoltées grâce aux mesures et essais doivent être analysées en considérant l'information documentaire obtenue au préalable. Les points de divergence entre les préconisations des DTU et les résultats interprétés de l'expertise en bâtiment permettent de mieux situer les responsabilités.
La rédaction du rapport d'expertise en bâtiment
Après avoir vérifié la conformité des travaux aux exigences des normes BTP spécialisées, le cabinet mandaté élabore un rapport d'expertise qui présente toutes les constatations techniques. Les méthodologies d'investigation sur le site, les conditions de déroulement des essais réalisés en laboratoire et les résultats obtenus sont clairement détaillés dans le document. L'expert peut proposer ici des solutions durables, efficaces et économiques pour remettre le bien immobilier en bon état.
En cas de litiges, il faut présenter le rapport technique à la partie adverse. Elle peut contester le document, émettre des réserves ou notifier quelques observations par rapport à l'étude. Éventuellement, la partie adverse peut prendre en charge une contre-expertise. Si un accord à l'amiable n'est pas trouvé, les conclusions du rapport de l'expert peuvent servir à appuyer une action en contentieux devant un juge compétent.